Yann Kersalé

Yann Kersalé x Sammode

Yann Kersalé, artiste spécialisé dans l’utilisation de la lumière artificielle, a laissé sa marque sur divers lieux emblématiques, allant de l’abbaye de Fontevraud au Grand-Palais, des docks de Saint-Nazaire au pont de Normandie, du Vieux-Port de Marseille au jardin de la Divette à Cherbourg. Il a également illuminé une série de bâtiments contemporains, notamment ceux conçus par l’architecte Jean Nouvel, tels que la Philharmonie de Paris, la tour Agbar à Barcelone, le musée du Quai-Branly à Paris, l’opéra de Lyon, la Cité Manifeste à Mulhouse et le MUCEM à Marseille.

Inspiré par des paysages glaciaires qu’il a explorés lors de ses voyages, Yann Kersalé a créé en 2018 une collection de luminaires appelée Lö. Cette collection tire son inspiration de ses voyages dans des régions comme la Terre de Baffin en 2001 et le Groenland en 2012, au-delà du cercle polaire arctique, où il a été fasciné par la glace sous toutes ses formes. Cette fascination a enrichi sa banque d’images de nombreuses photographies de glace, qu’il considère comme de la « lumière solidifiée », captant et décomposant la lumière de manière unique.

Les premières esquisses de la collection Lö, réalisées en 2016, reproduisaient directement les photographies sur un film translucide à insérer dans le tube Sammode. La recherche s’est ensuite concentrée sur les effets prismatiques de la lumière réfléchie par la glace, conduisant au choix d’une pellicule réticulée. Le luminaire résultant présente une dualité unique : avec deux films translucides superposés – l’un prismatique, l’autre miroir – il offre deux aspects distincts. Allumé, il diffuse des prismes scintillants à l’infini, tandis qu’éteint, il reflète à l’envi l’environnement alentour.

© Morgane Le Gall

Les noms des luminaires de la collection Lö, tels que Nilak, Qanik, et Qinu, proviennent de la langue inuit et évoquent différents états de la glace.

Quant au nom de la collection, Lö, il joue avec la sémantique du mot « eau », symbolisant la transformation de l’eau en glace, et illustre ainsi l’essence même de ces créations lumineuses.

© Morgane Le Gall

Entretien avec Yann Kersalé

Christian Simenc: Vous souvenez-vous de votre premier contact avec Sammode?
Yann Kersalé : J’ai un souvenir très précis de ce moment: c’était au milieu des années 1970, j’étais alors étudiant à l’école des Beaux-Arts de Quimper et mon colocataire, un Irlandais, m’avait invité à venir visiter son pays. Sur le ferry qui faisait la traversée jusqu’à Dublin, j’ai remarqué les lampes d’ambiance et l’éclairage qu’elles dispensaient. Je n’ai su que longtemps après qu’il s’agissait de luminaires Sammode.

CS: Au moment d’élaborer vos premières créations, vous vous retrouvez une nouvelle fois nez-à-nez avec des produits de la marque…
YK: Après mes études aux Beaux-Arts, j’ai commencé à travailler avec la lumière. En 1981, j’ai conçu une installation pour un haut-fourneau de la Société métallurgique de Normandie, à Caen. Elle s’intitulait Siderxenon. En amont du projet, j’ai visité l’usine et repéré ces appareillages extraordinairement costauds, faits pour supporter à la fois les intempéries et les conditions extrêmes. Il s’agissait, à nouveau, de luminaires Sammode. C’était exactement le type de matériel dont j’avais besoin pour réaliser mes installations lumineuses en extérieur. À l’époque, hormis modifier des produits existants ou détourner du matériel industriel, il n’y avait pas beaucoup de solutions. Que la lumière soit émise par un objet aussi étanche fut, pour moi, une révélation. Le tube Sammode était un dispositif idéal.

CS: Très vite, vous êtes amenés à œuvrer avec des architectes. Que leur proposez-vous ?
YK: Par mon travail avec la lumière, je génère une deuxième vie du bâtiment, la nuit. Je propose aux architectes une autre vision, crée une histoire, une mise en lumière qui n’est pas seulement due à la lumière fonctionnelle générée par l’intérieur du bâtiment. En fait, avec leur édifice, je crée une sculpture.

CS: Vous avez plus particulièrement collaboré avec Jean Nouvel ?
YK: Oui, dès 1989, avec la mise en lumière de l’Opéra de Lyon, une installation baptisée Théâtre Temps. Puis, les projets se sont enchaînés comme, entre-autres, les jardins du Musée du Quai Branly j’imagine qu’il faudra encore attendre quelques années avant que cela ne passe du stade de la recherche fondamentale à celui de la recherche appliquée.

CS: Les nouvelles technologies sont-elles des outils pour l’artiste ?
YK: Oui, car elles permettent de travailler la lumière dans le registre du sensible, non plus uniquement de manière décorative ou fonctionnelle. Un artiste doit se les approprier non pas de façon spectaculaire, mais de manière poétique.

CS: La lumière peut-elle participer au bien-être ?
YK: Absolument: la lumière est un élément essentiel de la vie. Elle est aussi primordiale que l’acoustique ou la température. Une lumière trop agressive est néfaste. Le bien-être nécessite différents types de gradation lumineuse, différents « climats ». Il existe aussi, évidemment, un rapport psychologique à la lumière. Une « bonne » lumière, c’est comme un bon repas, une question de justesse des ingrédients.

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